lundi 23 janvier 2012

Renault 5 :: Le tour du monde en 80 jours



webmaster_264Le tour du monde en Renault 5!














Extrait de l'Auto Journal
du 1er décembre 1972 (numéro 21)


Exactement cent ans
après le "tour du monde en 80 jours" imaginé par Jules Verne,
Christian Gallissian et Richard Lindor ont bouclé autour de la planète un
circuit de 40.000 km. En 80 jours. Et en Renault 5. Christian, 28 ans, n'aime
pas conduire en France. A fait précédemment une randonnée de 140.000 km à
travers 70 pays. Richard : 33 ans. Redoute de conduire en France. A sympathisé
avec Christian un jour à Singapour. Ont accompli leur tour avec une R5 prêtée,
dont le siège passager, modifié, pouvait faire couchette. Ont constamment roulé
avec plus de 100 kg de surcharge. Si c'était à refaire avec le choix de la
voiture ? Eh bien, ils reprendraient très probablement une Renault 5 !


A minuit, le 5 juin
1972, c'est un départ sur les chapeaux de roues. La nuit autorise une descente
rapide de l'Allemagne et de la Suisse. Puis viennent la Suisse, la France
et l'Espagne. Trente-six heures après avoir quitté Munich, nous touchons
Algésiras pour embarquer sur le Ferry six heures plus tard. Nous quittons le
bloc européen destination le Maroc sous l'oeil des mouettes qui, d'un coup
d'aile majestueux, viennent une à une nous saluer.
La route qui mène à
Adrar, porte du désert, est monotone ; rien à l'horizon. Nous faisons une
moyenne incroyable de 120 km/h ; la chaleur commence à se faire sentir. Le
lendemain, sur la piste, nous doublons un Kombi V.W. qui semble se diriger vers
le Mali. Nous sympathisons rapidement avec l'équipage hippy.
A partir de Reggane,
nous attaquons le vrai, le grand désert. Mille kilomètres sans rien jusqu'a
Tessalit, frontière du Mali, un souffre-douleur humain, la chaleur, le sable,
la recherche de la piste, de jour comme de nuit. Dernières vérifications avant
de se lancer dans l'aventure, sous l'œil suspicieux des Arabes qui ne nous
prennent pas très au sérieux, "avec si peu de garde au sol, c'est de la
folie" nous confie le chef de poste. De plus, nous sommes très chargés :
150 litres d'essence, 20 litres d'eau, etc. Nous arriverons à Tessalit presque
en panne d'essence, ayant fait une consommation de 14 à 15 litres.
Après Gao, alors que
nous faisons route sur Niamey, au Niger, l'embrayage de la Puce lâche. Jacques
se propose de nous remorquer jusqu'a Niamey (400 km) ; nous attachons la Puce à
la V.W. Le lendemain matin, nous arrivons à Niamey. Vers les sept heures, nous
contactons l'équipe Renault, et en trois heures l'embrayage est changé.
La jungle commence
ici (le Congo), les tranchées de boue aussi. Sur la route de Bangassou, le vase
d'expansion explose. Nous le remplaçons par une gourde en plastique qui fera
l'affaire jusqu'a Nairobi. Nous essuyons un orage africain qui nous cause des
problèmes de visibilité.
Sur la route, nous
traînons : l'équipe est épuisée ; la Puce se sent un peu fatiguée, même le
passage de l'équateur ne nous amuse pas. En moins de quarante-huit heures, nous
atteignons Nairobi, capitale du Kenya. Cette ville est située à une altitude de
1600 mètres. Le climat y est extraordinaire. Pays magnifique, aux nombreuses
réserves d'animaux, aux fantastiques montagnes.
Nous touchons à 6
heures du matin Johannesbourg. Trois jours de retard, la bateau doit être parti
du Cap depuis un jour... (mais il était aussi en retard.) Nous avons gagné le
pari, 20000 kilomètres en 22 jours.

Buenos Aires. Nous
trouvons un petit hôtel pas cher. Durant la nuit, j'ai de très gros accès de
fièvre. La paralysie me gagne peu à peu. Au petit jour, j'ai l'air d'un
cadavre. Richard avertit les responsables Renault et durant la matinée,
docteurs et professeurs défilent devant mon lit. Ma tension baisse. Sur un brancard,
je suis embarqué en ambulance et je sombre dans les nuages... Le voyage se
termine pour moi. Richard est catastrophé : nous formions une très bonne
équipe. Une amie, Rosario, propose de jouer le copilote jusqu'a Lima.
Richard raconte :
Me voilà sur la route
tout seul. Car si la copine de Christian est jolie, je doute qu'elle soit très
efficace lors des coups durs. Ne pouvant couper la cordillère des Andes par le
Chili du fait d'enneigement, je prends la route de Bolivie. La piste défile et
les heures passent. Je mets au courant Rosario du maniement de la Puce.
Nous gagnons
rapidement les pistes poussiéreuses. Seuls les indiens qui défilent attirés par
cette voiture bizarre rappellent que nous sommes bien en Amérique du Sud.

Dans la nuit, alors
que nous passons un gué avant le village de Laquinca, la Puce s'étouffe au beau
milieu du ruisseau et s'arrête. Quel catastrophe ! L'eau monte. Après avoir
ouvert le capot, en équilibre sur le rebord de la voiture, je nettoie vis
platinées et carburateur. L'eau monte toujours et il n'est pas question que je
mette les pieds dans cette eau glacée. Puis, deux coups de démarreur, et la
Puce démarre.
Le lendemain, nous
abattons en un temps record sur le plateau de Bolivie, plus de 500
kilomètres.
Maintenant, nous nous
élançons tout droit vers Lima. Plein gaz. De temps à autre, nous longeons le
bord de mer. Nous sommes à Lima. La voiture a besoin d'une bonne mise au point
; je me débrouille pour trouver un logement à Rosario, puis se sont les adieux.
Jusqu'a Quito, je traverse
plantations de bananes après plantations. De nuit , j'ai des ennuis avec la
pompe à essence que je répare rapidement.
Richard se fait
ensuite voler tout son argent...

Je trouve par chance,
à l'intérieur d'un portefeuille qu'a oublié Christian, 10 dollars. Dix dollars
c'est peu pour continuer mon voyage. Dernière solution : le jeu. Sur les quais,
j'ai pu apercevoir les dockers panaméens qui, le chapeau à la décontract',
jouaient à la passe anglaise. Les dès roulent, les mains sont sûres, les lancées
précises. Personne n'a remarqué mon arrivée. Je mise mes 10 dollars et les dés
sont partis.... 140 dollars. Je décide de me retirer. Me voilà armer pour aller
jouer au Casino ce soir.
D'entrée je dépose
sans réfléchir 10 dollars sur le 3, car nous sommes le 3 août. La roulette
tourne : "Three win." Un choc au cœur, je viens de gagner 360
dollars. Ma décision est prise : 360 +130 = 490 dollars, c'est assez pour finir
mon voyage jusqu'à New York.
A minuit, je plie
bagage, range la Puce et me voilà reparti. Au passage, un salut au pont du
Panama, qui enjambe le fameux canal et, d'une traite, car je n'ai pas sommeil,
je roule sur le Costa Rica et dans l'après midi, j'arrive à San José, après le
très mauvais passage du col de la Mort à 3600 mètres.
A la sortie de San
José, un auto-stoppeur, Yan, de Londres, remonte sur les Etats Unis.
Présentation faite, je lui enseigne comment on mani la Puce.
Nous attaquons le
Mexique, car la Puce ne peut plus supporter la montagne. Le sol rouge mexicain
brille sous le soleil de plomb et les taches blanches des villages au loin sont
amusantes.
On touche au but. A
Dallas, Yan me quitte. Je roule sur New York où le "France" m'attend.
Au Havre, Christian est là et en pleine forme, je suis très ému de le revoir.
La Puce sort triomphante du "France", cela fait 78 jours que nous
sommes partis et pour la dernière étape de 1500 km, nous avons deux jours pour
rejoindre Munich.
Le soir du 24 août, à
minuit moins vingt, nous pénétrons dans Munich, avec 1 heure et 20 minutes
d'avance. Mission accomplie, monsieur Jules Verne.

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